De la séance inaugurale du Salon Indien du Grand café, le 28 décembre 1895, il ne reste plus aujourd’hui que le faisceau de la lumière comme acteur.
Le bonimenteur puis le musicien et enfin le projectionniste sont passés à la trappe du plancher normalisé.
Le Salon Indien est une reconfiguration du spectacle cinématographique et de la condition même du spectateur pour faire renaître ce jeu d’implications et d’attractions réciproques entre le spectateur, le film, le musicien, l’acteur et le projectionniste.
Muni d’une « minvielle à roue » qui joue aussi bien le son que l’image, au rythme de sa manivelle, en avant, en arrière, accélérés ou ralentis, les courts films de Louis et Auguste Lumière retrouvent le mouvement aléatoire de la danse fantomatique des premières projections du cinématographe. Regroupés autour de la figure de la roue, le mouvement de la projection est un siphon qui nous entraîne dans une fiction du cinéma à travers le siècle qui tourne en rond.
L’Histoire sensible qui nous rappelle que l’invention des Lumière a fait le tour monde en trois ans, faisant côtoyer les aristocrates de Marcel Proust aux prolétaires de Karl Marx, en passant par la tradition des Shoguns du Japon. Une spirale qui nous plonge dans la danse Serpentine de Loïe Fuller pour nous tirer vers la danse de la perruque au Japon et qui nous rappelle nos pratiques de Head Banging ou de Hip Hop d’aujourd’hui. Où une voltige à vélo d’un ouvrier de l’usine Lumière s’avère être la même figure pratiquée aujourd’hui par les jeunes en BMX. Ce mixage avec la bonne vielle manivelle de la « minvielle à roue » nous transporte à travers un siècle d’image en mouvement, de la gélatine au Gif, des cartons des films muets aux cédules de citations de JLG.
Un tourbillon où l’image, la musique et la parole prennent le même élan, celui de la ritournelle.